La maturité, plus exactement celle de récolte et celle de consommation, est le thème le plus difficile en ce qui concerne les poires. On pourrait à juste titre avancer aussi que le poirier complique les choses, car les maturités de récolte et de consommation des poires sont non seulement très éloignées dans le temps, mais également difficiles à constater. La poire est un fruit climactérique qui mûrit sur l’arbre mais aussi après la cueillette sous l’effet accélérateur de l’éthylène, un gaz de maturation auto-produit généré aussi par d’autres fruits (par exemple en entrepôt, mais aussi dans la coupe de fruits).
Ce processus de maturation climactérique est connu chez les pommes, mais il est nettement plus rapide et dynamique chez les poires. Avant toute chose, le processus de maturation une fois entamé est inéluctable. Celui-ci produit des fruits fondants sous 4 à 15 jours qui ne peuvent plus être alors consommés qu’ ici et maintenant.
Il ressort de ces propriétés spécifiques de la poire une contradiction intéressante : plus la poire est cueillie tôt, plus sa date de récolte est espacée par rapport à sa maturité sur l’arbre, plus elle pourra être conservée longtemps et mûrir ensuite artificiellement avant d’être consommée. Ce qui signifie pratiquement : les poires récoltées le plus tôt possible seront celles que je dégusterai le plus tard, et inversement celles cueillies tardivement seront consommées rapidement. Quant aux fruits ayant mûri sur l’arbre, je pourrai à peine les ramener à la maison si je ne souhaite pas qu’ils se transforment en bouillie.
Bien sûr vous souhaitez en apprendre un peu plus, mais la dynamique de maturation de la poire est si complexe et tellement dépendante d’un mille-feuilles de facteurs (température, situation, éthylène, date de cueillette, autres fruits à proximité), qu’il n’est pas possible d’établir une règle fixe par variété. Toutefois je proposerais la démarche suivante au jardin : pour la première récolte d’une nouvelle variété de poires au jardin, patientez jusqu’à ce qu’elles soient mûres sur l’arbre. Je vous conseille donc de ne les récolter et les consommer que si la couleur verte vire quelque peu au jaune et si la chair est un peu molle à la pression. N’oubliez pas que les fruits récoltés aussi tardivement doivent être consommés immédiatement, en l’espace de 1 à 3 jours. Cette date de récolte est un bon repère pour les années suivantes - en tenant compte du développement de la végétation. Choisissez ensuite les années suivantes une date de récolte d’environ 2 à 3 semaines avant la maturité sur l’arbre, et vous serez presque sûr de pouvoir bien les conserver entre 5 et 10 °C. Elles mûriront à un moment donné même dans ces conditions. Le processus peut être accéléré si nécessaire en mettant les fruits à mûrir dans une coupe à température ambiante chez vous et en y associant à votre gré des fruits en cours de maturation (bananes, pommes) qui augmentent encore l’effet de l’éthylène.
Encore un conseil pour conclure : lors de la maturation naturelle les poires produisent beaucoup d’éthylène, y compris lorsqu’elles sont conservées dans une cave. Elles ont donc aussi un effet d’accélération sur la maturation d’autres fruits (par exemple les kiwis ou les pommes). Si vous ne souhaitez pas compromettre la durée de garde de ces fruits, il est donc déconseillé de les conserver avec des poires. À l’inverse, il est aussi possible d’exploiter la maturation artificielle des poires après la récolte et de les utiliser sciemment pour faire mûrir plus rapidement d’autres fruits, ce que je fais fréquemment avec des kiwis.