La Pollinisation et l'autofertilité de l'asiminier font toujours polémique, presque comme pour le kiwi. Rumeurs et divergences d'opinion vont bon train ; tandis que certains clients croulent sous les fruits, d'autres attendent toujours un rendement au bout de 4 à 5 ans. Je résume ci-dessous notre propre expérience et celles de nos clients. Nous ne savons pas encore tout, mais suffisamment pour pouvoir vous aider dans la plupart des cas.
1. Sans fleurs, pas de fécondation possible
L'asiminier (Asimina triloba), également appelé « paw-paw », met du temps à former des fleurs. La floraison se poursuit pendant 6 semaines mais il peut s'écouler encore 1 à 2 ans avant qu'elle ne laisse place aux fruits. Je suppose qu'il s'agit d'un effet similaire à celui de la chute des fruits en juin chez les arbres fruitiers à pépins : la plante décide, grâce à ses messages hormonaux, si elle a assez de force pour développer les fruits. Elle les conserve alors... ou pas. Dans notre pépinière, il arrive souvent que les jeunes plants ne mettent pas longtemps à produire des fleurs (mais pas encore de fruits). Il est à noter que la variété Prima forme généralement des fleurs plus tôt que la variété Sunflower. Cela signifie que si je veux replanter une deuxième variété pollinisatrice, je choisis de préférence Prima.
2. Les insectes pollinisateurs
La fleur, en forme de cloche, arbore une couleur plutôt rare, un rouge sombre très profond tirant sur le brun, mais n'est, à mon avis, pas d'une beauté flagrante... De plus, son parfum semble davantage repousser les insectes locaux que les attirer. L'ironie du monde végétal veut toutefois que ce soit probablement ce parfum-là qui, dans le pays d'origine de l'asiminier, attire les insectes pollinisateurs.
3. Comment les fruits se forment
Le réceptacle floral contient plusieurs ovaires, qui prennent beaucoup de place et qui, après une fécondation réussie, permettent à une seule fleur de donner naissance à des grappes entières de fruits, comme chez la banane. Est-ce cette propriété ou plutôt son goût vanillé qui lui a valu le surnom de banane indienne ?
4. Le fonctionnement de la fleur d'asiminier (Asiminia triloba)
Mais regardons cette fleur de plus près : les pistils sont placés sur un monticule qui, de prime abord, semble solide mais qui se transforme peu à peu en un tapis d'étamines au fur et à mesure que la fleur s'épanouit. De toute évidence, la fleur est protogyne, c'est-à-dire que les pistils sont prêts depuis longtemps, alors que les étamines, les organes mâles, commencent seulement à se développer. Cela définit sûrement les deux principaux problèmes de sa fécondation : les pistils sont situés bien au-dessus des étamines et les deux organes n'arrivent pas à maturité en même temps dans chaque fleur. Mais tout n'est pas perdu, loin s'en faut : il est probable que l'un ou l'autre insecte égaré trouve malgré tout le chemin vers les fleurs, sachant qu'elles n'éclosent pas toutes en même temps. Un arbre aura donc toujours des fleurs, dont les étamines sont aussi déjà arrivées à maturité.
5. L'asiminier est normalement autostérile
Outre sa protogynie, l'asiminier trilobé semble généralement être également autostérile. Ce n'est pas inhabituel, la plupart des arbres fruitiers à pépins le sont. Le pollen d'une variété est incapable de féconder la fleur de la même variété. Ce qui n'est pas un réel problème pour le pommier (y compris le pommier d'ornement), vu que les insectes sont toujours chargés de pollen au moment de la floraison, représente un double problème pour une plante rare comme l'asiminier trilobé : comme il n'y a comparativement que peu d'asiminiers dans les jardins, la probabilité qu'ils soient pollinisés par des insectes est faible. S'ajoute à cela que la fleur brune n'est pas très appréciée des insectes européens. Mais ne nous en plaignons pas trop, sous peine que les défenseurs idéologiques des plantes indigènes nous interdisent nos plantes exotiques...
6. Les asiminiers autofertiles (Asiminia triloba 'Prima' et 'Sunflower')
Prima et Sunflower sont deux variétés réputées autofertiles. Nous n'avons malheureusement pas encore réussi à faire nous-mêmes des essais précis sur la nature de cette autofertilité. Toutefois, les références bibliographiques montrent que, dans les essais les plus divers, Prima et Sunflower font partie des variétés les plus fertiles, ce qui est assez typique pour une plante autofertile : elle a tout simplement plus de chance de fructifier, et donne donc de plus grandes quantités de fruits. Qu’est-ce que cela signifie pour le jardinier ? Premièrement, s'il ne peut planter qu'un seul asiminier, qu'il opte pour une variété autofertile, Sunflower ou Prima justement. Deuxièmement, s'il a la place, qu'il en plante quand même deux, de deux variétés différentes.
7. Pollenisation manuelle du PawPaw
C'est le moment de sortir le grand jeu : la pollinisation manuelle au pinceau. De toute évidence, la fertilité de l'asiminier est entravée par les mécanismes les plus divers : la jeunesse des plantes qui ne produisent pas encore de fleurs, le manque d'attractivité des fleurs pour les insectes européens, la dominance des organes femelles sur les organes mâles, la protogynie, l'autostérilité de l'espèce, même si elle peut être outrepassée chez deux variétés. Face à tant d'obstacles, il est en tout cas judicieux de lui prêter main forte et de procéder à la pollinisation au pinceau. Comment faire ? Je cherche une fleur dont les étamines sont déjà arrivées à maturité. Je passe plusieurs fois le pinceau dessus, puis je badigeonne le pollen ainsi prélevé sur le pistil de jusqu'à 5 autres fleurs écloses un peu plus tard. Voilà, c'est tout ! Ah, et n'oubliez pas : si vous avez planté deux variétés, utilisez le pollen de l'une des variétés pour féconder l'autre. Même pour les variétés autofertiles, c'est toujours préférable à la fécondation par leur propre pollen.