Pourquoi n’existe-t-il pas (pardon : presque pas) de pommes sans pépins ? Nous connaissons l’absence de graines et de pépins encore appelée parthénocarpie de nombreux fruits et légumes-fruits : Qui voudrait encore imposer à son enfant ou à son petit-fils des raisins de table avec beaucoup de pépins ? Et nous nous sommes habitués, comme un fait allant de soi, aux nombreuses figues presque sans pépins, aux agrumes sans pépins et aussi aux pastèques sans pépins. dans le cas de la pomme, il s’agit en quelque sorte de l’ultime reste, du trognon, ou du « bitzgi » (comme nous le disons en dialecte suisse). Il reste le trognon qui « décore » la table de travail pour finir par encombrer la corbeille à papier. Oui, évidemment, nous pouvons aussi simplement jeter un « bitzgi » çà et là dans les buissons, c’est admis. Quelle qu’en soit la raison, l’absence de pépins ne figure pas sur la liste des priorités des sélectionneurs de pommes, plus enclins à vendre la prochaine pomme identique aux autres comme merveille absolue plutôt que de réfléchir à une réelle innovation. En tout cas, chez Lubera, nous menons depuis plus de 12 ans un projet de sélection de pommes sans pépins et nous présentons dans cet article son état d’avancement. Chez Lubera, vous pouvez déjà acheter la variété de pommes sans pépins « Faibella ».
Sommaire
- Pourquoi des pommes sans pépins ?
- Le vol de semences — en avons-nous le droit ?
- Comment naissent les pommes sans pépins ?
- Le Far West sauvage, berceau des pommes sans pépins
- Le rôle important des pommiers dans l’Ouest américain sauvage
- Entrée en scène de Johnny Appleseed
- La plus grande expérience de culture de l’histoire moderne de la pomme en tant que crowd breeding (sélection collaborative)
- Spencer Seedless et Wellington Bloomless comme résultat
- La parthénocarpie est un caractère génétiquement caché et récessif
- Comment l’absence de pépins peut-elle se manifester ?
- Le programme Lubera SL (Seedless)
- De 2010 à 2015 Croisements primaires
- De 2010 à aujourd’hui Sélection des meilleures plantules
- 2017 La mise à l’épreuve
- 2020 à 2030 Sélection des meilleurs parents pour le deuxième cycle de sélection
- 2022 Proof of Concept - Done
- Perspectives
- Marché des pommes sans pépins
- Défis génétiques de la sélection SL
- Qualité
- Quantité
- Perspectives pour la prochaine décennie de sélection de pommes SL chez Lubera
- À quel moment la première variété de pommes sans pépins de Lubera sera-t-elle commercialisée ?
Pourquoi des pommes sans pépins ?
L’exigence et l’objectif d’obtention de pommes sans pépins bousculent quelque peu les a priori sur ce que doit être une pomme. Probablement parce qu’elle n’est pas un fruit quelconque, mais que tout au moins en Occident, elle est l’incarnation DU fruit. Et, au nom de Dieu, les pépins en font partie… J’entends déjà en tout cas la bronca des nostalgiques de la pomme : nous voulons des pépins ! Laissez les pépins à la pomme ! À l’inverse, les avantages seraient multiples à imaginer des pommes sans pépins et à arriver un jour à les éliminer par sélection :
- la pomme entière, à l’exception peut-être du pédoncule, est utilisable, et l’importante transformation des pommes ne produit pas de déchets. On évite ainsi le gaspillage alimentaire.
- La pomme sert de plus en plus de snack, il n’y a plus de résidus qui restent collés au pupitre d’écolier ou qui doivent être jetés aux toilettes à la fin. Les pommes de petite taille sans pépins sont certainement intéressantes.
- L’absence de pépins empêche en grande partie l’alternance, c’est-à-dire la tendance des pommiers à faire une pause après avoir abondamment produit durant une année et à ne fournir un plein rendement qu’une année sur deux. Cet effet est dû à des hormones qui se forment dans les pépins de pommes et qui, en été, inhibent la formation de bourgeons à fruits de l’année suivante durant la maturation des pommes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’éclaircissage des pommiers surproductifs doit être effectué le plus tôt possible, c’est-à-dire juste après l’éclaircissage spontané en juin.
- Les pommes sans pépins ne dépendent plus de la fécondation par les insectes et les abeilles. Ceci pourrait d’une part prêter le flanc à la critique, car dans un avenir lointain, la fécondation d’une partie de la pomiculture ne serait ainsi plus nécessaire (et probablement aussi plus souhaitée…). Mais en ce qui concerne les vergers, l’alerte est levée : des colonies d’abeilles sont installées à grand renfort de logistique pour la brève durée de floraison afin d’assurer la fécondation. Mais pour le reste de l’année, et même pour les abeilles sauvages, les vergers ne sont pas très intéressants. En tout cas, les pommes sans pépins ne nuiraient guère à la diversité de l’entomofaune, mais réduiraient tout simplement les dépenses de production. Quoi qu’il en soit : on peut déjà comprendre les questions critiques qui se posent ici, après avoir abondamment agité le chiffon rouge pendant des décennies sur la mort de l’abeille mellifère.
- Les pommes sans pépins produisent encore suffisamment de fruits, même après de nombreux épisodes de gel. La formation du fruit est largement indépendante des conditions météorologiques. Si le tube pollinique d’une pomme à pépins est détruit par le gel ou le temps froid et que la récolte est perdue, la pomme sans pépins n’est alors plus soumise à ces aléas. On trouve fréquemment dans le commerce des poires-Conférences sans pépins, qui ont été cultivées un peu plus longtemps que la poire originale fécondée. Après des années de gel, elles ont une croissance bien plus vigoureuse, car certes il n’y a pas de fécondation, mais les fleurs partiellement endommagées peuvent se régénérer et donner des poires entières, mais apyrènes (sans pépins), et ce sans fécondation. Dans la culture des poires, ce phénomène est souvent étayé par l’application d’hormones végétales.
Le vol de semences — en avons-nous le droit ?
Eh bien, nous l’avons déjà fait à de multiples reprises… les agrumes, le raisin de table, les figues, la plupart des kakis — je les ai déjà mentionnés plus haut — se passent de graines. Pour les pommiers, l’absence de pépins n’est pas une impasse génétique. Si du pollen arrive par hasard sur le stigmate de la fleur modifiée (voir paragraphe suivant), des graines naîtront alors qui peuvent germer et produire des pommes pleinement développées. Si le pollinisateur n’est pas lui-même dépourvu de graines, de nouvelles variétés apparaissent, qui produisent des fleurs normales, fécondables par des insectes et produisant à nouveau des graines.
Jusqu’à présent, tout cela semble encore un peu incompréhensible, compliqué et mystérieux. Il est donc temps d’expliquer un peu plus en détail le mécanisme de l’absence totale de pépins chez les pommes…
Comment naissent les pommes sans pépins ?
Comment les pommes sans pépins apparaissent-elles exactement ? C’est la combinaison de deux mécanismes, mais qui sont peut-être commandés par une seule mutation génétique :
1. Les fleurs des pommes sans pépins n’ont pas de pétales, auxquels se substituent des sépales supplémentaires. Les anthères sont aussi souvent manquantes. Au printemps, ces structures vertes sont presque invisibles. Et les abeilles et insectes pollinisateurs sont dans le même cas que nous : ils ne peuvent plus visiter les fleurs parce qu’ils ne les voient plus, et par conséquent, celles-ci ne sont pas fécondées. Par ailleurs, les autres organes de la fleur sans pétale ont un développement tout à fait normal : il y a aussi un pistil, qui généralement attend cependant en vain le pollen du pollinisateur…
Photo : les fleurs des pommiers sans pépins : des sépales supplémentaires apparaissent à la place des pétales et des étamines.
2. Les pommes sans pépins ont la capacité de produire des fruits même sans fécondation, c’est-à-dire des fruits parthénocarpiques. Cela semble être directement lié au caractère décrit au point 1 et également à la mutation génétique sous-jacente à l’origine de l’absence de pépins. Des études récentes ont montré que cette mutation (pas de pétales ni d’étamines, mais davantage de sépales) existe aussi dans la nature chez Arabidopsis thaliana, l’arabette des dames, une plante modèle fréquemment utilisée à titre de comparaison, et dont la structure est en tous points similaire. Néanmoins, dans l’ensemble la mutation est très rare.
Le Far West sauvage, berceau des pommes sans pépins
Venons-en à présent à un aspect moins technique, mais pour autant plus passionnant de l’histoire survenue dans le Far West américain (comment pourrait-il en être autrement ?). Aux XVIIIe et XIXe siècles, l’économie y était très particulière, avec un essor extrêmement favorable… aux arbres fruitiers, surtout les pommiers, résistant le mieux aux difficiles conditions climatiques du climat continental. Ils furent plantés en grand nombre presque partout, et ont pour ainsi dire accompagné la colonisation des états de la côte Est jusqu’à l’intérieur des terres, toujours plus loin vers l’Ouest. Les pommiers ont aussi connu leur Go west.
Le rôle important des pommiers dans l’Ouest américain sauvage
Deux raisons essentielles présidaient à cela :
Tout d’abord : au Far West, progressant de décennie en décennie vers l’intérieur des terres et vers l’ouest depuis les États de la côte Est déjà colonisés depuis longtemps, les pommiers offraient un avantage naturel. Ils apportaient du réconfort ainsi que des vitamines. Une fois plantés, ils poussaient pratiquement sans problème et tous les fruits, peu importait leur qualité, pouvaient être transformés en jus de pomme et, très facilement, en cidre fermenté, le hard cider. D’où le réconfort. Par bonheur, cette fermentation naturelle ne supprimait pas les vitamines, surtout la vitamine C, essentielle à la survie…
Deuxièmement : en plantant au moins 50 fruitiers (le plus souvent des pommiers), un colon pouvait revendiquer la propriété d’une parcelle. Il s’agissait parfois aussi de la condition sine qua non pour qu’elle soit enregistrée ultérieurement au cadastre. Il en résulta durant des décennies, et probablement plus de 150 ans au total, une demande excédentaire de pommiers, qui fut également satisfaite par le marché dans le Far West.
Entrée en scène de Johnny Appleseed
Les graines provenaient des presses à fruits bien établies sur la côte est, étaient transportées sans grand effort vers l’ouest et semées à un emplacement propice. Le légendaire Johnny Appleseed circulait ainsi de part et d’autre, devançant toujours la demande, semait les pépins de pommes, clôturait la pépinière et poursuivait son chemin, avant de revenir deux ans plus tard s’assurer que tout allait bien et voir le rendement. Les plantules étaient alors prêtes à être commercialisées pour aider de nombreux colons à obtenir leur propre parcelle. Il y avait probablement beaucoup d’autres pépiniéristes itinérants, rompus aux affaires comme Johnny Appleseed (Chapman de son vrai nom). À ceci s’ajoutait que Chapman, alias Johnny Appleseed, se refusait fermement à intervenir dans les lois de la reproduction, en raison de sa ferveur religieuse. Il fallait que ce soit des graines et des plantules et non des arbres greffés. Mais les impératifs économiques furent probablement plus décisifs que la foi de Chapman : les plantules sont tout simplement bien moins chères à cultiver que les fruitiers greffés…
La plus grande expérience de culture de l’histoire moderne de la pomme en tant que crowd breeding (sélection collaborative)
Suite à cette économie spéciale, des millions de pommiers ont été plantés dans le Far West dans le cadre d’une expérience de sélection unique et non intentionnelle. Au cours des XVIIIe et XIXe siècles, des centaines, voire des milliers de variétés de pommes ont été créées à partir de ce fonds presque inépuisable, dont les plus importantes marquent encore aujourd’hui la génétique de la pomme moderne : Jonathan, Macintosh, Golden Delicious et Red Delicious. Parmi les 7 variétés de pommes qui caractérisent le génome moderne de la pomme à couteau, représentées parmi les ancêtres de la plupart des pommes modernes, 4 proviennent de ces vergers officiellement « prescrits »…
Spencer Seedless et Wellington Bloomless comme résultat
Vous vous en doutiez depuis longtemps : la plupart des pommes sans pépins connues sont également issues de cette expérience de sélection unique, que l’on pourrait également qualifier de sélection collaborative : Spencer Seedless, Wellington Bloomless, diverses autres variétés, parfois aussi quelques rares variétés modifiées et développées par la sélection. En Angleterre, dans les années mille neuf cent quatre-vingt, Ken Tobutt tenta de réunir l’absence de pépins et le port colonnaire de ses arbres Ballerina, afin de contourner l’alternance propre à ces derniers. Des centaines de milliers, voire des millions de personnes ont eu affaire, durant plus de 150 ans, à une population de pommiers fabriquée pour eux, dont ils ont souvent et tout naturellement sélectionné les meilleurs et continué à les multiplier (maintenant bien sûr AVEC des greffes). Et parallèlement aux plus beaux et meilleurs pommiers, on en remarqua aussi certains pommiers spéciaux qui produisaient chaque année des fruits sans que l’on vît des fleurs. Il peut y avoir une autre raison pour que les pommiers Bloomless et Seedless se soient fait remarquer dans les conditions climatiques difficiles du Far West : les pommiers dits sans pépins peuvent produire des fruits sans fécondation, mais peuvent aussi se régénérer à partir de fleurs partiellement endommagées par le gel. Ainsi ils ont fructifié même durant les années où la plupart des autres pommiers n’avaient rien à offrir. La Spencer Seedless et la Wellington Bloomless, ainsi que quelques variétés comparables, sont ensuite arrivées sur le marché au tournant du siècle (vers 1900), comme les variétés américaines mondiales Golden Delicious et Red Delicious, suscitant la curiosité du public — mais n’ont finalement jamais connu de grand succès. Manifestement, Red Delicious et Golden Delicious étaient tout simplement meilleures. Peut-être que le rapport aux aliments n’était pas encore aussi développé et distancié qu’aujourd’hui, de sorte que les pépins ne posaient pas de problème comme ce pourrait être le cas de nos jours…
La parthénocarpie est un caractère génétiquement caché et récessif
Or, on peut facilement imaginer que l’absence de pépins (la parthénocarpie) ne favorise pas la survie d’une variété de pommier correspondante dans la nature (sans l’aide de l’homme). Un tel arbre disparaîtrait fort probablement rapidement, tout comme le caractère génétique sous-jacent. Sans pépins, pas de descendance. De tels caractères potentiellement létaux, menant à la mort et à l’extinction, survivent tout au plus de manière récessive dans la structure génétique des plantes, comme caractères invisibles sur un seul brin de chromosome et ne se manifestement pas. C’est exactement ce qui se passe dans le cas de l’absence de pépins : L’essor économique de la pomme au Far West avec ses millions de pommiers et les innombrables combinaisons possibles a permis de croiser maintes fois deux des rares variétés/plantules de pommiers ayant la mutation récessive correspondante. 25 % des nouvelles variétés de pommiers issues d’un tel croisement détiendront alors — du moins théoriquement — ce caractère, et seront sans pépins…
Comment l’absence de pépins peut-elle se manifester ?
Le fait que l’absence de pépins soit récessive et rare a certainement contribué à ce que les travaux de sélection ne s’intéressent que peu à ce caractère. Il faut toujours au moins deux grands cycles de sélection, préparés de longue date, pour obtenir des résultats :
A Croisement d’une variété sans pépins comme Wellington Bloomless avec une variété conventionnelle
⇒ Résultat : tous les descendants portent en eux l’absence de pépins de manière récessive, mais celle-ci n’est pas visible
B Croisement entre les variétés récessives sans pépins
⇒ Résultat : 25 % des plantules devraient être sans pépins
En même temps que l’absence de pépins, il faut bien sûr tenir compte lors de la sélection d’une infinité d’autres caractères, liés ou non :
- Goût
- Qualité des fruits
- Taille des fruits
- Rendement (la parthénocarpie doit être régulière et bien fonctionner)
- Résistance aux maladies cryptogamiques et aux ravageurs
- Cœur si possible rempli de pulpe
- Propriétés de conservation
- Pas de problèmes physiologiques (susceptibles de provenir de l’absence de pépins sécrétant des hormones)
Le programme Lubera SL (Seedless)
Nous avons lancé le programme de sélection de pommes Lubera Seedless il y a un peu plus de 12 ans et nous avons déjà franchi toutes ces étapes jusqu’à présent :
De 2010 à 2015 Croisements primaires
Croisement de variétés de pommes sans pépins x des variétés résistantes de qualité Lubera dans le plus grand nombre possible de couleurs (peau et chair), de dates de maturité et de goûts.
Grâce à un accord de coopération en matière de sélection, nous avons pu recourir à la banque de gènes d’East Malling (aujourd’hui NIAB East Malling) et utiliser les variétés américaines classiques ainsi que quelques autres résultats intermédiaires et obtentions sans pépins issus du travail des sélectionneurs anglais. Au total, plusieurs milliers de plantules ont été produits.
De 2010 à aujourd’hui Sélection des meilleures plantules
Les plantules obtenues ont toutes été greffées, puis leur qualité a été testée dans nos parcelles d’essai, les meilleurs fruits ayant été sélectionnés, greffés sur des porte-greffes de faible vigueur et à nouveau replantés dans les parcelles d’essais (6 à 12 par sélection).
2017 La mise à l’épreuve
Sur une rangée de population sans pépins, des pommes sont récoltées au hasard et leurs pépins semés au printemps suivant, en espérant que les abeilles aient bien travaillé sur le rang et aient provoqué des croisements entre frères et sœurs. Je n’y tiens plus, je voudrais savoir si cette théorie est vraie et si des croisements entre frères et sœurs peuvent effectivement produire des variétés de pommes sans pépins, visiblement sans pépins…
2020 à 2030 Sélection des meilleurs parents pour le deuxième cycle de sélection
Les sélections récessives sans pépins choisies seront intensément testées lors de la deuxième étape de sélection. En fin de compte, au stade d’un arbre, il n’est pas possible sur une population de plantules de tester précisément et suffisamment un candidat variétal. Au deuxième stade, avec 6 à 12 arbres par clone, le bon grain se sépare très vite de l’ivraie, les qualités et les inconvénients des sélections apparaissent de plus en plus clairement. Dans le cadre du programme Seedless, il ne s’agit pas, à ce stade, d’obtenir de nouvelles variétés (tous les pommiers à ce stade ont encore des pépins), mais de trouver très soigneusement les meilleurs matériaux pour les croisements suivants, récessifs Seedless x récessifs Seedless, requérant énormément d’investissement. Il s’agit tout compte fait d’importer dans le XXIe siècle en seulement deux cycles de sélection des variétés du XVIIIe et XIXe siècles.
Photo : Sur ces rangées, il y a à droite et à gauche des sélections Seedless dotées du caractère récessif « sans pépins », donc non visible. Ici, nous sélectionnons soigneusement les meilleurs parents pour les croisements suivants, qui donneront ensuite des variétés vraiment sans pépins.
Photo : Photos de nos parcelles d’essais : des sélections de pommes portant le caractère récessif « seedless ». Elles seront les parents de nos futures variétés réellement sans pépins.
2022 Proof of Concept - Done
Eurêka ! Dans la population issue des pommes collectées en 2017, je peux sélectionner les premières variétés sans pépins, parfois d’une qualité surprenante. Il s’avère également dans la réalité que l’absence de pépins peut se manifester à différents niveaux qualitatifs :
- Trognon presque entièrement rempli
Photo : pomme entière d’une sélection Seedless Lubera de deuxième stade.
Photo : la même pomme coupée, entièrement sans pépins ; le cœur est en grande partie rempli de pulpe.
- Trognon ouvert
- Trognon à moitié ouvert avec des mini-pépins non développés
Photo : une des premières sélections de Lubera à chair jaune effectivement sans pépins, mais le cœur est ici largement ouvert, on y voit des ovules non développés.
Perspectives
Quel est l’avenir du programme SL chez Lubera ? C’est tout de même un risque presque incalculable que d’entreprendre un programme de sélection à horizon d’au moins 20 ans (du début jusqu’à la première variété) — et en fin de compte de le mener à bien. Il faut d’ores et déjà prévoir que les conditions-cadres évolueront au cours de ces 20 années. Comment envisageons-nous donc les 8 à 10 prochaines années, jusqu’à ce que nous puissions commercialiser les premières variétés de qualité supérieure sans pépins ? Comment les variétés et le marché vont-ils évoluer ?
Marché des pommes sans pépins
Après 12 années d’investissements dans la sélection de pommes sans pépins (un montant à 6 chiffres moyennement élevé), nous allons bien sûr devoir continuer, continuer à avancer. La plus grande incertitude reste le marché : Y aura-t-il un intérêt pour les variétés de qualité sans pépins ? Les variétés de pommes sans pépins seront-elles surtout utilisées dans la transformation (zéro déchet) ou s’implanteront-elles également sur le marché du frais (pommes comme snack) ? À vrai dire, on peut prédire qu’elles trouveront plutôt leur public auprès de la culture commerciale plutôt que sur notre marché primaire, le jardin. Pourquoi ? Eh bien, les pommiers sans fleurs ne sont pas très attrayants au printemps… un inconvénient que peuvent peut-être compenser les pommes sans pépins sur le marché du jardinage…
Défis génétiques de la sélection SL
L’incertitude concernant la génétique a disparu, du moins en partie, après la preuve de concept. Oui, la sélection ciblée de pommes sans pépins fonctionne. Mais je suis toujours curieux de savoir si les croisements exacts effectués au cours des années passées et futures aboutissent vraiment à 25 % d’individus sans pépins ou s’il ne faut pas qu’il existe génétiquement parlant des caractères secondaires supplémentaires qui jouent un rôle… Nous avons largement prévenu un éventuel risque de consanguinité : Pour l’absence de pépins, nous avons utilisé 6 variétés différentes, et pour la qualité, nous nous sommes basés sur le programme de sélection Lubera et avons croisé ces variétés Seedless avec des variétés précoces et tardives, des variétés intégralement rouges ainsi que des variétés jaunes, des variétés à chair blanche et des variétés à chair rouge. Il faudra encore vérifier la compatibilité entre elles de toutes les variétés parentales récessives sans pépins, à savoir si toutes les variétés mères Seedless utilisées pour les croisements primaires ont exactement la même génétique…
Qualité
Avec ce programme de sélection SL, qui durera bel et bien 20 ans et plus (et qui sera encore très rapide), nous essayons de reproduire et si possible de dépasser en deux générations de sélection ce qui s’est passé en 150 ans d’histoire de la sélection des pommes. Nous essayons en 20 ans d’élever les pommes des XVIIIe et XIXe siècles au niveau des meilleures variétés du marché. Ce ne sera pas facile, mais ce n’est pas non plus impossible. Les larges et nombreux croisements effectués au premier stade de la sélection nous permettent de disposer dès lors d’un vaste matériel où sélectionner les meilleurs parents (ceux qui présentent la meilleure qualité de fruit, la plus belle croissance, etc., et l’absence récessive de pépins). Ceux-ci peuvent ensuite être combinés entre eux, l’une des variétés pouvant idéalement compléter les faiblesses existantes et reconnues de l’autre variété… Il est également vrai que nous ne sommes pas encore très loin du XIXe siècle en ce qui concerne la génétique de la pomme, surtout pour la recherche de nouvelles propriétés. La pomme la plus influente de ces trente dernières années est la Honeycrisp ou Honeycrunch. Elle a apporté à la pomme moderne une nouvelle texture, beaucoup plus facile à mâcher et à travailler. Il est intéressant de noter que ses parents remontent déjà rapidement au XIXe siècle : d’un côté, les grands-parents sont la Golden Delicious et la comtesse d’Oldenburg. Nous ne sommes donc pas si loin du XIXesiècle.
Quantité
Au stade « ultime » de la sélection, il faudra naturellement produire des populations relativement importantes. Si nous obtenons 100 plantules d’une combinaison, il n’y en aura au maximum que 25 qui seront sans pépins. Notre objectif sera donc d’obtenir au moins 500 graines par croisement, afin d’avoir un choix suffisamment vaste parmi les 100 variétés candidates sans pépins. Et naturellement, il restera encore l’espoir d’une autre étape de sélection : nous serons bien sûr en mesure de croiser nous-mêmes les meilleures variétés effectivement sans pépins (en tenant compte des parents, afin de conserver le plus de distance génétique possible). Dans ce cas, il faut s’attendre à ce que toutes les plantules aient des parents sans pépins.
Perspectives pour la prochaine décennie de sélection de pommes SL chez Lubera
Après avoir mangé assidûment des pommes sans pépins et leurs préformes (qui ne présentent pas encore ce caractère) pendant plusieurs années, je suis tout de même assez surpris de la qualité des fruits : Comme toujours lorsqu’on croise des variétés anciennes, la diversité ressentie est plus grande que dans les croisements modernes et il est presque impossible de trouver une candidate parfaite. Mais malgré cela, les caractéristiques extérieures du fruit, sa couleur, son calibre et sa texture sont en partie convaincants. En ce qui concerne le sucre notamment, il est très rare de trouver des variétés qui soient au niveau moderne, ce qui demande un véritable travail de sélection sur ce point.
À quel moment la première variété de pommes sans pépins de Lubera sera-t-elle commercialisée ?
Donnez-moi encore 5 à 10 ans, s’il vous plaît… En attendant, nous proposons l’ancienne variété sans pépins Faibella dans notre assortiment. ;-)